Bienvenue au Réfugistan
À travers le monde, près de 17 millions de personnes – réfugiés, déplacés, migrants – vivent dans des camps, soit l’équivalent d’un pays.
Suppléant les États qui ne veulent pas d’eux, le HCR, l’agence des Nations unies pour les réfugiés, avec ses 7 milliards de dollars de budget par an, gère ces "indésirables" avec de grandes ONG caritatives. Des "limbes", comme les nomme un chercheur, dans lesquels le seul objectif possible est la survie, où des enfants naissent et grandissent, à l'écart du pays qui les accueille. Leurs habitants, qui n’ont ni le droit de travailler ni celui de se déplacer librement, ne possèdent que les quelques objets distribués à leur arrivée et une carte d’identité du HCR. Dans ces lieux à l'écart du monde, ni tout à fait prisons ni tout à fait ouverts, censés être provisoires, les réfugiés passent désormais en moyenne… dix-sept ans de leur vie. Sans issue Pourquoi ces camps perdurent-ils depuis des décennies ? Les importants subsides qu’ils garantissent aux pays hôtes constituent l’un des éléments de réponse. Plus personne n’a intérêt à ce que les conflits s’arrêtent et à ce que les réfugiés rentrent chez eux.
Qu’en est-il d’un possible asile en Occident ?
Au camp de Dadaab, au Kenya (le plus grand du monde, construit il y a vingt-cinq ans), où les travailleurs humanitaires vivent sous haute protection à cause des risques d’enlèvement, seules mille demandes par an sont satisfaites sur une population de 350 000 réfugiés. Et pour qui tente de fuir vers l’Europe, la situation n’est pas plus enviable. À Idoméni, à la frontière entre la Grèce et la Macédoine, des milliers de migrants sont pris au piège depuis plusieurs mois. La réalisatrice Anne Poiret (prix Albert-Londres 2007), qui s'est rendue aussi en Tanzanie et en Jordanie, effectue une plongée glaçante dans une réalité kafkaïenne que nous préférons ignorer et que nos gouvernements contribuent à créer et à entretenir.