Les héritiers
Avec "Les disparus" (2007), l’Américain Daniel Mendelsohn a publié une enquête magistrale sur les traces de six membres de sa famille disparus pendant la Shoah. Yannick Haenel, lui, est l’auteur de "Jan Karski" (2009), livre en trois chapitres consacré à la figure de ce résistant polonais qui tenta d’alerter sur l’ampleur de l’extermination des juifs. Prix Goncourt du premier roman, "HHhH" (2010) de Laurent Binet raconte l’attentat perpétré contre Reinhard Heydrich par des parachutistes tchécoslovaques le 27 mai 1942. Quant à l’œuvre de l’écrivain allemand Marcel Beyer, elle est hantée par la Seconde Guerre mondiale. Issus de la même génération, ces quatre auteurs nés dans les années 1970, témoins d’une histoire et d’une dévastation qu’ils n’ont pas connues, s’emparent de cet héritage pour en faire œuvre littéraire.
Du côté du réel
Mais comment restituer une mémoire qui n’est pas sienne, rendre l’horreur tangible, et "guetter la trace ou son absence", à l’heure où abondent archives, récits et images ? Si la littérature s’engage du côté du réel, elle ne prétend pas à la vérité historique. Ici, ces écrivains expliquent leur choix d’interroger cette période en osant un "nouveau regard", et évoquent leur tentative de préserver la mémoire, quitte à la transformer pour la faire vivre. À travers le parcours de ces auteurs, s’appuyant sur des entretiens très maîtrisés, Les héritiers interroge avec acuité le rapport entre la fiction et l’histoire, et la responsabilité de la littérature dans sa transmission, sans occulter ses ambiguïtés.