Renault 12
Dans une épopée intime entre France et Maroc, rêverie et autodérision, le dramaturge Mohamed El Khatib interroge le deuil, l’identité et l’héritage.
En février 2012, Mohamed El Khatib perd sa mère, Yamna, emportée par un cancer. Pendant des semaines, par le biais d’une petite caméra installée face à son lit d’hôpital, il a filmé leurs entretiens et leurs échanges. Dans les jours qui suivent, alors qu’avec son père et ses sœurs ils rapatrient le corps par avion d’Orléans à Tanger, puis retrouvent oncles, tantes et cousins à l’occasion des funérailles, le dramaturge capte aussi quelques images. Mêlés à d’autres matériaux documentaires, ces éclats d’amour et de deuil feront la texture d’un hommage scénique à la disparue (Finir en beauté, présenté en 2015 au Festival d’Avignon). Avec ce road movie dont il est le personnage principal, il en propose aujourd’hui une suite cinématographique.
Lignes de fuite
Inspiré par l’étrange message téléphonique d’un oncle maternel, qui l’invite à venir dans le Rif "avec une Renault 12", afin de prendre possession, en tant qu’unique garçon de la défunte, d’un terrain agricole dont il est l’héritier, Mohamed El Khatib met en scène un voyage initiatique, entre documentaire et fiction, rêverie et réalité. Ce chemin qu’il a accompli tant de fois dans l’enfance, et qu’il parcourt à nouveau au volant de l’antique mais increvable véhicule, ouvre un espace propice aux réminiscences et aux questions. Séquences tournées à la mort de Yamna, rencontres de hasard, conversations familiales sur l’une et l’autre rives, extraits d’un entretien radiophonique, messages, carnets, photos… : ce voyage entre deux mondes brouille les pistes et les temps de l’indicatif, avec comme lignes de fuite l’identité, la filiation, la transmission. Mais son réalisateur préfère la suggestion à la certitude, l’autodérision à la confession. La principale destinataire du récit, sa toute petite fille qui n'a pas connu sa grand-mère paternelle, n'a pas encore l'âge de l'écouter.