The Queen
La semaine cathartique qui vit vaciller le trône britannique après la mort de Diana. Un chef-d'œuvre d'intelligence politique, d'audace et de drôlerie avec Helen Mirren, impériale.
2 mai 1997. Au lendemain de sa victoire électorale, le leader travailliste Tony Blair se prépare avec la fébrilité d'un collégien au tête-à-tête avec la reine qui doit le consacrer Premier ministre. Quatre mois plus tard, dans la nuit du 30 au 31 août, la famille royale, en vacances dans sa résidence écossaise de Balmoral, apprend que Lady Diana Spencer vient de se tuer avec Dodi al-Fayed dans un accident de voiture à Paris. Élisabeth refuse à son fils Charles un avion de la Royal Air Force pour se rendre sur place d'urgence. Car la "princesse du peuple" ayant récemment divorcé, la Couronne, pense-t-elle, n'a pas à prendre officiellement son deuil en charge. Stupéfiée par les manifestations de désespoir collectif qui accueillent la nouvelle dans son royaume et au-delà, elle est résolue à tenir bon. Même si Tony Blair, épaulé par ses conseillers en marketing, lui susurre respectueusement que les temps ont changé…
La revanche du peuple
Le premier ressort du plaisir intense distillé par The Queen (à condition de s'être remis de la mort de Diana), c'est l'illusion revancharde, sinon démocratique, de pouvoir rire des puissants de ce monde en découvrant leur intimité parfois fort prosaïque. Entre la hideuse robe de chambre du prince Philip, plus consort que jamais, qui ne trouve rien de mieux que traîner ses petits-fils à la chasse au cerf pour adoucir le choc de la mort de leur mère, les jérémiades de Charles et la férocité de la nonagénaire "Queen Mum", la famille royale, le rôle-titre excepté, n'en sort pas grandie. L'ambition presque naïve du jeune Blair et le cynisme autosatisfait de ses spin doctors sont épinglés avec la même ironie discrète et dévastatrice. Mais en fin observateur des rapports de classe et de la nature humaine, Stephen Frears dépasse la simple satire pour conter une fable politique d'une grande acuité sur le règne de l'émotion et de l'immédiateté. La composition extraordinaire de Helen Mirren, mais aussi de Michael Sheen, qu'elle a quelque peu éclipsé, sont pour beaucoup dans la jubilation que procure ce petit chef-d'œuvre d'intelligence et d'audace. Le tout couronné d'une savoureuse cherry on the pudding : son exotisme 100 % british.