On achève bien les gros
Obèse depuis l’adolescence, l’auteure Gabrielle Deydier revient sur son histoire et s’élève contre la grossophobie à l’œuvre dans notre société. Une ode à l’acceptation de soi, contre la tyrannie des normes.
"J’ai tendance à dire que je mesure une Kylie Minogue et que j’en pèse trois." Du haut de son 1,54 mètre pour 125 kilos, Gabrielle Deydier, 39 ans, vit depuis son adolescence dans un corps que la société réprouve. Quelques kilos en trop l’amènent à 16 ans à consulter un médecin. Il lui diagnostique, à tort, une maladie hormonale et lui prescrit un traitement assorti d’une diète drastique. Son poids triple, charriant avec lui son lot de moqueries. À l’âge adulte, les discours moralisateurs s’ajoutent aux brimades. Mais après des années passées à se cacher, Gabrielle décide d’assumer son corps différent. En 2017, elle s’attaque à la grossophobie, la stigmatisation des personnes obèses ou en surpoids, et publie On ne naît pas grosse (Éd. Goutte d’or), un vibrant réquisitoire contre l’invisibilisation des gros dans une société où rien n’est pensé pour eux.
Violence normative
Aujourd’hui, la joviale Parisienne, native du Gard, s’essaie au roman d’anticipation : l’histoire d’un monde hygiéniste où être gros deviendrait un délit. Émaillé de séquences dystopiques plus vraies que nature, ce documentaire la suit dans son quotidien entre les virées au bar littéraire du coin, les sessions piscine longtemps remises à plus tard par peur du regard des autres ou le retour dans son ancien lycée d’Uzès, lieu de ses premières souffrances. Gabrielle Deydier revient face caméra sur son parcours mais explore aussi auprès de différents témoins (spécialistes, personnes obèses) les conséquences plus larges de la grossophobie, telles que les inégalités salariales ou la violence normative induite par la chirurgie bariatrique. "Un jour, on n’assumera plus de couper des estomacs pour faire maigrir des gens", s’indigne-t-elle. Alors que 10 millions de Français souffrent d’obésité, ce film coup de poing bouscule les clichés et s’interroge sur le traitement réservé à ceux qu’on juge en dehors de la "norme".