"Van Gogh, deux mois et une éternité" d'Anne Richard (2022)
Si l’oeuvre de Vincent Van Gogh, méprisée de son vivant, est passée à la postérité, c’est en grande partie grâce à l’épouse de son frère Théo, Johanna. À travers le regard de cette figure oubliée, l’émouvant récit des derniers mois du peintre et de son héritage.
Sans l’acharnement de sa belle-sœur, l’œuvre de Van Gogh n’aurait sans doute pas acquis la même notoriété. Après le suicide de Vincent, en 1890, puis la mort de son frère Théo, marchand d'art, seulement six mois plus tard, Johanna Van Gogh, née Bonger, hérite de plusieurs centaines de toiles dont personne ne veut, réalisées pour la plupart par le peintre à Auvers-sur-Oise, au cours des deux derniers mois de sa vie. Pressentant le génie de l’artiste qu’elle n’a rencontré qu’à quelques reprises durant ses dix-huit mois de mariage, la jeune femme consacrera les années qui suivent la mort de son époux à exaucer l’ultime souhait de ce dernier : organiser une rétrospective posthume de Vincent Van Gogh. Bien consciente de l’inconvénient d’être femme dans le monde impitoyable du marché de l’art, elle parviendra, seule et à force de pugnacité, à faire connaître à un public encore peu réceptif un corpus d’œuvres à la force extraordinaire, qui inspireront, dix ans plus tard, une nouvelle génération d’artistes, et changera le visage de l’art moderne.
Une femme derrière la légende
En mettant en lumière l’extraordinaire travail de valorisation mené par Johanna Van Gogh, ce documentaire, illustré d’animations qui nous replongent dans les toiles et l’époque, offre un regard inédit sur l’artiste : celui de la femme qui a contribué à en forger la légende. Redonnant un nom et un corps à cette figure oubliée – modeste professeure d’anglais devenue femme d’affaires – dont elle dresse un dense et émouvant portrait qui nous la rend familière, la réalisatrice Anne Richard revient aussi sur l’une des périodes les plus tourmentées et les plus productives de la courte vie de Vincent Van Gogh : ses dernières années, qui le mènent de l’asile de Saint-Rémy-de-Provence, où il s’est fait volontairement interner après une grave crise, à sa dernière demeure d’Auvers-sur-Oise. En guise de fil conducteur, le journal intime que la jeune femme tient depuis l’adolescence, où elle consigne ses rencontres, états d’âmes et réflexions, mais aussi des extraits des célèbres lettre échangées entre les deux frères. Dans cette abondante correspondance dont elle était légataire, Johanna avait vu, à raison, une clé indispensable pour percer les secrets de l’œuvre du peintre.