Lino Ventura, la part intime
Portrait intime d’un colosse touchant en perpétuelle quête de dignité.
Souvent, il écoutait sans ciller cinéastes et scénaristes qui se pressaient dans sa demeure de Saint-Cloud dans l’espoir de lui confier un rôle, avant de trancher, de sa voix grave et sans appel : "Pas pour moi." Acteur instinctif, Lino Ventura, dont la présence crevait l’écran, sélectionnait scrupuleusement ses personnages, animé au cinéma comme dans la vie par l'inextinguible soif d'une dignité dont il avait été privé enfant.
Débarqué de Parme, où il est né le 14 juillet 1919, Angiolino, le petit "Macaroni" que sa mère élève seule dans les faubourgs parisiens après la désertion du père, est humilié à l’école par ses camarades. La rue l’émancipe. Dès 9 ans, il enchaîne les petits métiers – groom, livreur, marchand de journaux, mécanicien – et rêve dans les salles obscures. Il aurait pu devenir voyou. Mais, dit-il, "je suis tombé du bon côté de la crête", sauvé par la lutte puis le catch. En 1950, "la fusée italienne", son surnom, est même sacrée champion d’Europe des poids moyens, sous les yeux d’Odette, la femme de sa vie. Bientôt, Jacques Becker le repère et lui offre, à 34 ans, une nouvelle carrière avec Touchez pas au grisbi, face au patron Gabin. Lequel prend sous son aile ce frère d’âme. Le gorille vous salue bien, Classe tous risques, Les tontons flingueurs... : Lino Ventura, anxieux sur les tournages, impose sa force tranquille à l’écran, tout en refusant obstinément d’embrasser ses partenaires, dont Bardot dans Boulevard du rhum.