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Sous le soleil de Pialat

Karel, William (1940-....) Metteur en scène ou réalisateur
Année :
2021
3180

Par William Karel, qui fut son photographe de plateau, une visite guidée dans l’univers de Pialat, dont les films renversants comme le caractère d’écorché vif ont écrit la légende et lui ont octroyé une place unique dans le cinéma.  

 

Comme nul autre, il a transcrit sans filtre sa vie à l’écran. Déchirements, joies, rages et éblouissements… : en seulement dix films, Maurice Pialat (1925-2003) s’est hissé dans la douleur au sommet du cinéma, drainant dans sa légende une exigence folle de vérité autant que des fureurs mémorables pour y parvenir. Cet écorché vif, hanté par ses blessures d’enfance − la ruine d’un père marchand de bois en Auvergne suivie d’un déclassement à Courbevoie, et l’abandon d’une mère qui le confie à sa grand-mère −, conçoit d’abord le rêve d’être peintre. Échouant à le réaliser, après un passage par les Beaux-Arts et les Arts déco, Pialat se perd en ruminations pendant deux décennies, visiteur médical ou encore représentant chez Olivetti pour survivre. Il écrit aussi. Mais alors que la Nouvelle Vague submerge le cinéma français, le refus de ses projets nourrit chez lui une amertume créatrice et une tentation autodestructrice, qui traverseront son œuvre. Avec L’enfance nue, son premier long métrage à 43 ans, le cinéaste imprime pourtant d’emblée sa marque, cet "art de rendre les choses authentiques", selon Chabrol. Mais au fil d’une inclassable filmographie en forme d’autobiographie, d’une rupture (Nous ne vieillirons pas ensemble) à sa paternité émerveillée (Le garçu) en passant par l’agonie de sa mère (La gueule ouverte), le cinéaste ne se départit pas du sentiment d’être incompris. Malgré une reconnaissance internationale pour Van Gogh, deux César pour À nos amours et une fameuse Palme d’or en 1987 pour Sous le soleil de Satan quand, bras d'honneur à l’appui, il lance aux siffleurs : "Si vous ne m'aimez pas, sachez que je ne vous aime pas non plus !"

L’enfer du paradis
"Vous verrez, au début, c’est difficile. Après, c’est carrément l’enfer !" Tels sont les encouragements, en 1983, de l’attaché de presse de Pialat à William Karel, à l’époque photographe de plateau, qui rejoint l’équipe d’À nos amours. Le préambule d’une amitié qui infuse aujourd’hui le film du documentariste sur celui qui deviendra son mentor. Guidé par Serge Toubiana et nourri d’archives rares, ce parcours au cœur de l’œuvre du cinéaste, tourmenté jusqu’à la désespérance, est aussi puissamment éclairé par les témoignages des comédiennes qui ont croisé sa caméra, pour le meilleur et pour le pire. Sandrine Bonnaire se souvient de sa tendresse pour "l’enfant qu’il n’avait pas encore et la petite jeune femme dont il était un peu amoureux", sur le tournage d’À nos amours ; Sophie Marceau, du cauchemar de Police ; tandis que Depardieu évoque leur relation fusionnelle. Le portrait vibrant d’un maître qui s’étonnait : "Comment peut-on éviter le social quand on tourne ? En France, on réussit ce prodige !"